Europe : Amour ou chambre à part ? collection Café Voltaire aux éditions Flammarion

L’Europe ne se résume pas à la crise de la zone euro ; si celle-ci traverse des difficultés, une Europe vivante, organisée, au service de la paix et du bien-être des hommes demeure un magnifique projet. Encore faut-il sortir de la crise et redonner aux Européens l’envie d’y participer. C’est pourquoi ce livre tire un signal d’alarme et appelle à un sursaut : la démolition de l’Union européenne doit cesser, ainsi que l’indifférence et le mépris qui entourent la construction d’une démocratie supranationale, fondée sur un Parlement élu au suffrage universel direct.

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L’enjeu des élections européennes de 2014 est là : faire l’Europe enfin au lieu de la confisquer dans une Europe des Etats, inefficace, peu légitime et en décalage avec notre siècle. On ne peut pas demander aux Européens de travailler ensemble, de se faire confiance, de s’aimer en les obligeant à faire « chambre à part ».

« L’Europe périt faute de soins ; elle est assassinée à coups de médiocrité et de nationalisme à courte vue ».

Certains se trompent de diagnostic : « en cherchant refuge dans le giron des Etats nations [largement responsables du désastre économique et social ambiant], les Européens [souverainistes] se comportent comme des petits enfants maltraités par leurs parents qui, en vain, cherchent
consolation auprès d’eux ».

A la faveur de la crise, les chefs des Etats ou des gouvernements des différents pays ont pris le pouvoir en Europe, créant un « trou noir » démocratique : « chacun est légitime dans son pays mais aucun d’entre eux n’a jamais reçu mandat pour régenter les peuples voisins », sans débat public. Collectivement, ils ne rendent de compte à personne, au mépris de la séparation des pouvoirs. Quoiqu’élus au suffrage universel direct, « les députés européens en sont réduits à suivre les sommets de loin, comme les vaches regardent passer les trains ».

L’ersatz européen actuel n’a pas grand-chose à voir avec le projet des origines qui visait à « unir les hommes » et reposait sur des institutions indépendantes et des règles protégeant les faibles contre les plus puissants. C’est la condition sine qua non d’un partage de souveraineté qui ne soit pas un abandon. En niant cette nécessité, nos dirigeants ont réveillé la peur de l’Allemagne.

La légende selon laquelle les intérêts nationaux sont bien défendus par l’implication personnelle du Président de la République, ne résiste pas à l’examen : ce n’est vrai ni pour la gestion de la crise (chaotique), ni pour l’adoption du budget (pathétique). Ces méthodes aboutissent à émietter le pouvoir de décision (par exemple à perpétuer le secret bancaire ou la concurrence fiscale à la demande de pays qui représentent une minorité de la population européenne).

Il n’y a aucune raison de tolérer ces extravagances, ni d’accepter que les dirigeants nationaux s’accaparent l’Europe sans être capables de l’incarner, ni d’assurer sa crédibilité internationale. Les citoyens acceptent curieusement de se soumettre à une servitude volontaire, d’autant plus insupportable qu’une partie des soi disant « élites » nationales défend en réalité ses petits intérêts immédiats contre l’intérêt général.

Le changement d’échelle est rendu nécessaire par l’évolution du monde qui menace les pays européens d’insignifiance ; l’ampleur du bouleversement actuel n’est pas assumée par les classes dirigeantes nationales ; les institutions de la Cinquième République accroissent l’illusion en confiant au Président la défense de « l’indépendance nationale ». La question clé est au contraire de gérer l’interdépendance.

Les souverainistes ne proposent rien de sérieux à l’heure où, dans bien des domaines, la souveraineté de l’Etat, sur un territoire donné, s’évanouit à cause des nouvelles technologies (sites Internet mobiles, libre circulation des capitaux) ou de la nature des défis (changement climatique, augmentation de la population mondiale). « L’Europe des patries est une formule sans substance destinée à éviter que la question soit posée » (Furet).

Les patriotes font de beaux discours à « l’arrière » ; on les voit peu sur le « front » européen et mondial. « A Paris règne un souverainisme de dîners en ville » pour ne pas dire un certain provincialisme.

« Les nationalistes béats sont heureux d’être nés quelque part. Avec l’Union européenne, nous pouvons être plus fiers encore d’avoir bâti quelque chose ».

La monnaie unique n’est pas une fin en soi. Elle appelle bien plus que les bricolages actuels. Elle suppose la création d’une puissance publique qui ne peut être qu’une démocratie européenne.

Or la France n’a jamais eu de stratégie par rapport au Parlement européen : elle se bat pour conserver son siège à Strasbourg mais les partis y envoient certaines personnalités peu aptes à exercer cette fonction ; les autorités nationales, trop souvent, le foulent aux pieds. D’où le caractère déplacé des larmes de crocodile sur l’abstention aux élections européennes…

Les citoyens se désintéressent aussi de l’Europe parce que le Parlement européen n’a pas de pouvoir d’initiative, pas de pouvoir budgétaire, il ne contrôle pas le véritable exécutif. On lui reproche donc souvent de ne pas faire usage de prérogatives qui ne lui ont jamais été données. Et dans le domaine législatif où il possède un certain pouvoir, il travaille encore trop souvent « dans la clandestinité ».

La France a un rôle particulier à jouer car la Communauté européenne a été imaginée dans ce pays (Monnet, Schuman) et que nous nous trouvons à la charnière entre le nord et le Sud. Si l’Europe des Etats se consolide, elle paiera très cher son décrochage avec l’Allemagne qui exercera seule le leadership.

La demande allemande de contrôle accru des décisions européennes est parfaitement légitime ; nous devrions accepter le degré d’exigence allemand, au niveau européen ; mais il serait gravissime de laisser les instances allemandes (Bundestag, Cour constitutionnelle, Bundesbank) l’assurer pour le compte de l’Europe.

Une partie du malentendu franco-allemand consiste, pour les Français, à craindre le retour de l’Allemagne totalitaire et instable d’avant guerre, et pour les Allemands, à redouter la destruction de l’Allemagne, démocratique et stable, d’après-guerre.

Les Français ont peur du fédéralisme. Craignent-ils le mot ou la chose ? Ce n’est qu’un mode d’organisation politique adapté au gouvernement d’ensembles complexes. Le concept de « République européenne » qui commence à se développer, serait plus adapté.

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SYLVIE GOULARD CONSEIL@2025